Plusieurs amis viennent pratiquer le Dhamma avec moi et j’ai constaté des problèmes courants lorsqu’ils se mettent à la pratique. Certains craignent de ne pas être capable de pratiquer correctement le Dhamma sans mon assistance. Ceux qui résident à Bangkok sont plus à l’aise, car ils savent où me trouver, alors que mes amis à l’étranger et en province sont inquiets à cause de la distance. Ils m’ont donc demandé de rédiger des instructions claires pour pratiquer le Dhamma de sorte que lorsque je ne suis pas là, ils peuvent continuer à pratiquer avec confiance.
Certains écoutent mes paroles, mais ne sont pas sûrs de les bien comprennent. D’autres suivent des conseils que j’ai donnés à de tierce personnes, ce qui est inapproprié car chacun peut être à un stade différent de sa pratique. Appliquer la réponse donnée à une question posée par une autre personne équivaut à prendre le médicament d’un autre patient. De façon similaire, certains amis débattent entre eux de la pratique correcte en citant des conseils donnés à des moments différents pour des occasions différentes.
On m’a donc demandé de rassembler l’ensemble de mes enseignements sur la pratique du Dhamma afin de lever tout malentendu. J’ai senti qu’il était nécessaire d’avoir un petit guide du Dhamma afin de résumer les pratiques que j’ai suggéré à mes collègues et amis. Ceci pour dépeindre clairement l’ensemble de la pratique du Dhamma dès le début, afin d’éviter les problèmes cités plus haut.
1. Comprendre la portée du bouddhisme
Ceux qui ont peu d’expérience dans le bouddhisme doivent comprendre que le bouddhisme n’est pas un médicament miracle pour toutes les maladies de l’univers. Il n’est pas un outil magique pour aider à survivre dans une société si complexe. Alors, si vous êtes étudiant, il ne faut surtout pas abandonner vos études juste pour étudier le bouddhisme, parce que la connaissance du monde qui nous entoure est essentiel pour mener une vie normale. Un étudiant du bouddhisme doit être bien aguerri dans d’autres sujets d’études. Ne vous méprenez pas, le bouddhisme n’est que l’étude de la souffrance (mentale) et de la façon de s’en libérer. Le bouddhisme ne se limite donc pas à fournir des réponses relatives à la superstition, le destin, les vies passées, les vies futures, les fantômes, les anges et autres phénomènes spirituels.
2. Les outils pour pratiquer Dhamma
Ceux qui connaissent déjà les enseignements bouddhistes sur la souffrance et comment y mettre fin ont déjà trouvé les outils nécessaires pour pratiquer le Dhamma : conscience et compréhension claire (Sati et Sampachanya).
Je vous conseille de prendre conscience des émotions qui émergent dans notre esprit et causent le doute, la cupidité, l’inquiétude, le bonheur et la tristesse. Ceci est la pratique de la conscience permettant à connaître les objets de la conscience qui surgissent.
Je vous encourage tous à prendre conscience et ne pas vous perdre aux portes des six sens, à savoir, les yeux, les oreilles, le nez, la langue, le corps (sens tactile) et l’esprit, les plus fréquents étant la vue et les portes de l’esprit qui se concentrent intensément sur un objet ou en se perdent dans un monde de pensées. En étant constamment conscients et en ne se perdant pas dans nos pensées ou dans une concentration excessive, nous pouvons ainsi atteindre une compréhension claire et une clarté de la conscience.
3. Les fondements de la conscience
Une fois que nous acquérissons les outils et les armes nécessaires pour pratiquer le Dhamma, l’étape suivant est la pratique de la conscience, ou Sathipathan, qui consiste en une claire compréhension du corps, des émotions, de l’esprit, et/ou de l’esprit-objets, selon les tendances naturelles de chaque individu. Les exemples en sont la conscience des mouvements de notre corps lors d’une marche de méditation ou de la respiration pendant la méditation assise. Au début, nous pouvons pratiquer la concentration ou Samatha, en se concentrant sur le corps d’une manière détendue. Une fois concentré, les mouvements de notre corps et le mouvement de l’air lors de notre respiration deviennent seulement des objets de méditation. Nous constatons qu’ils changent constamment, ne sont pas réguliers et de ce fait ne sont pas sous notre contrôle.
Grâce à cet exercice de concentration, l’esprit gagne en force et en compréhension. Et quand un objet spirituel se présente, l’esprit en est automatiquement conscient. Par exemple, quand le bonheur, la tristesse -saine ou malsaine- se présentent, l’esprit les reconnait comme il reconnait tout objet matériel.
Ceux qui sont capable de reconnaitre ces objets spirituels doivent poursuivre cet exercice. Sinon une simple observation d’objets materiels est également acceptable.
Quand l’esprit devient conscient des objets spirituels et materiels de façon permanente, il gagne en force et en perspicacité. L’esprit réagit naturellement à ces objets avec contentement, mécontentement ou indifférence. Soyez conscient de ces sentiments. Ils se présenteront et disparaitront comme tous autres objets physiques ou mentaux que nous avons observés. L’esprit peut alors ignorer ces sentiments et devenir impassible.
Au début, l’esprit n’atteindra cette impassiblité que pendant une courte période. Cependant, avec un plus d’entraînement, l’esprit devient plus serein et pendant des périodes plus longues, il finit ainsi par prendre conscience de la sérénité même. Il sera en mesure de distinguer plus en détail les cinq agrégats ou Khandha, qui composent le corps et l’esprit, et reconnaitra distinctement forme, sentiments, mémoire, illusions mentales et conscience.
A ce stade du développement de la conscience, un bon nombre d’étudiants ont souvent deux reactions possibles : certains s’ennuyent et arrêtent la pratique, tandis que d’autres ne sachant plus quoi faire, arrêtent également la pratique et cherchent des réponses à travers une pensée analytique.
En fait, une fois que l’esprit devient conscient de la sérénité, tout ce que nous avons à faire est de continuer à l’observer. Une fois que l’attention, la concentration et la sagesse (ou sati, samādhi et paññā) muri, l’esprit progressera par lui-même.
Ceci conclut ce bref guide de la pratique du Dhamma.
4. Méthodes incorrectes de pratiquer une pleine conscience
Même en suivant une pratique citée plus haut, lorsque nous commençons à pratiquer le Dhamma, nous sommes souvent confrontés à de nombreux problèmes résultant principalement d’une pratique incorrecte de la pleine conscience. Pour beaucoup d’entre nous, plus nous pratiquons, plus nous nous éloignons du but. L’erreur principale vient du fait qu’au lieu d’être conscient des choses telles qu’elles sont, nous avons tendance à créer un nouvel objet spirituel et à se bloquer dessus. Cela peut se produire lorsque nous pensons que notre esprit est trop distrait et donc a d’abord besoin de se concentrer. Nous nous concentrons alors de façon incorrecte, au lieu de développer la concentration correcte ou Samma-Samadhi, nous développons une mauvaise concentration ou Micchā-Samadhi. Nous nous concentrons sur un objet, laissant l’esprit s’absorber et s’attacher à cet objet au lieu d’être simplement conscient avec facilité et confort, et non se perdre ou d’être surconcentrés.
Avec une mauvaise concentration, l’esprit s’attache aux objets qu’il a fabriqué. Et une fois que nous progressons de la concentration à la pratique de la conscience, avec un attachement profond, cet état d’esprit ne sera plus en mesure de voir la vérité. Une autre erreur est commune, au lieu d’être conscient de tout ce qui survient d’une façon simple et naturelle, beaucoup forcent leur esprit à être plus vigilant, surtout en ma présence, en pensant que ceci est la pleine conscience. Ainsi, leurs esprits deviennent trop tendus et sur leurs gardes. Ce sentiment n’est pas différent de celui d’un coureur sur la ligne de départ.
Le troisième obstacle le plus commun est de pratiquer le Dhamma avec avidité, comme une nécessité d’obtenir la louange de leur amis, ou un désir d’être éclairé rapidement. Plus nous voulons exceller, plus nous essayons d’accélérer l’effort au lieu de permettre la pleine conscience et la compréhension claire de développer constamment et naturellement. (En réalité pour la pratique du Dhamma, développer l’attention et la compréhension claire cohérente et naturellement tout le temps est le vrai sens de l’effort accéléré.) Quand nous pratiquons avec avidité, la pratique est tendue. Bien que cela puisse ressembler a un progrès, l’esprit n’est pas en paix.
Ces trois erreurs mènent beaucoup d’entre nous sur le mauvais chemin, et font croire à tort que nous sommes pleinement conscients alors que nous ne le sommes en fait pas. Beaucoup d’entre nous sont maintenant capables de détecter ces erreurs et peuvent revenir sur la bonne voie, en étant juste conscient des choses qui apparaissent au moment présent.
Il y a une anecdocte concernant l’un de mes élèves dont l’esprit s’était fixé sur un objet mental. Je lui conseillais d’en prendre conscience et de se libérer l’esprit en prenant conscience des objets extérieurs, espérant ainsi que cette fixation le relachera. Ce jeune homme paraissait très troublé par cette suggestion car il pensait que je voulais dire d’arrêter la concentration et laisser l’esprit vagabonder. Il est heureusement revenu me voir pour clairifier ce malentendu. S’il avait mentionné ceci aux anciens, j’aurais été expulsé du temple !
En fait, lorsqu’une personne s’attache à un objet mental, l’esprit vagabonde déjà loin de la conscience. J’ai essayé de montrer à ce jeune homme que par un excès de concentration, il laissait son esprit s’éloigner de l’objet de sa méditation.
Un autre problème rencontré par certains est de se perdre dans les effets secondaires de la méditation, comme se perdre dans Nimitta ou une vision intérieure de la lumière, de la couleur, des sons ou même par saccades corporelles et gyrations. Lorsque ces conditions se présentent, certains prennent plaisir à cette expérience tandis que d’autres non. Je dois les guider au delà afin de prendre conscience de ces sentiments. Avec une pratique répétée l’esprit finira par devenir neutre, au lieu de se concentrer inconsciemment sur ces sensations agréables ou désagréables.
Pour éviter toutes ces erreur lorsque nous pratiquons le Dhamma, nous devons adhérer strictement à la règle, qui est d’être conscient des souillures lorsqu’elles se présentent, jusqu’à ce que finalement un jour l’esprit gagne en sagesse et se libère. Si nous pratiquons le Dhamma juste pour satisfaire notre désir de savoir, de voir, de devenir, d’obtenir, de se démarquer, d’être célèbre ou même d’atteindre l’illumination, alors le risque de s’éloigner de la bonne voie augmente, parce que l’esprit souvent crée un nouvel ensemble de conditions au lieu d’être simplement conscient des choses telles qu’elles sont.
Nous devons être attentif à l’esprit. Si par exemple, il devient plus pesant que les environs, cela signifie que l’esprit s’est inconsciemment attaché à quelque chose. L’état naturel de l’esprit ne doit pas être lourd, mais le même que son environnement. Il paraît lourd parce qu’il porte un poids supplémentaire. Détendez-vous et regardez autour de vous. Tout ce que nous voyons, que ce soit un bâtiment, une table, une chaise, un arbre, n’est pas lourd, parce que nous ne le portons pas. L’esprit, cependant, est parfois lourd et parfois léger. C’est parce qu’il s’accroche. Plus nous nous accrochons, plus l’esprit devient lourd. C’est cette pesanteur qui entraîne l’esprit à apparaître détaché de la nature. Ce poids supplémentaire est créé par l’esprit quand il ne parvient pas à prendre note des souillures.
Une fois que l’esprit est prêt à être conscient. Observez et voyez comment il réagit à ces objets extérieurs, qu’il les aime ou non. Continuez la pratique jusqu’à ce que l’esprit devienne impartial pour tous les objets de la conscience, jusqu’à ce que l’intérieur et la nature atteignent le même poids, jusqu’à ce que finalement il n’y a rien à transporter.
Le Bouddha a enseigné que les cinq agrégats que nous prétendons être notre corps et notre esprit sont lourds. Quiconque les porte ne trouvera jamais de bonheur. Son enseignement est la Vérité absolue. Les cinq agrégats sont vraiment lourd pour ceux qui ont la faculté de voir.